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Depuis plus de 15 ans, les pouvoirs publics tâtonnent sur le sujet du financement de la prise en charge de la dépendance en France. Après moults rapports, le dernier en date de Mr Libault rendu le 28 mars 2019 présentait 175 propositions « pour une politique forte et nouvelle du grand âge en France » qui devaient servir de socle pour une loi annoncée fin 2019. Alors que cet enjeu figurait en tête des préoccupations exprimées pendant le Grand Débat, l’actualité tumultueuse de ces derniers mois (réforme des retraites et aujourd’hui épidémie Covid-19) a eu raison du calendrier législatif. Mais ce sujet n’en reste pas moins un enjeu crucial pour notre société.

Un mal paradoxal mais profond

Le mal est profond même si, paradoxalement, il découle d’une bonne nouvelle pour l’Humanité : nous vivons de plus en plus âgés. Ainsi, le nombre de personnes centenaires devrait passer de 21 000 aujourd’hui à 165 000 en 2050. Bien plus grave, la population active en France devrait se contracter de 5% d’ici 2060 (et plus fortement encore ailleurs en Europe : -35% en Pologne, -30% en Allemagne, -20% en Espagne par exemple) ; mais couplée au fait que seuls 6% des européens peuvent financier les frais de prise en charge d’une dépendance avec leurs revenus de retraite, c’est un cataclysme qui risque de s’abattre sur nos sociétés si rien n’est fait pour endiguer ce problème. D’autant plus que la baisse de fréquence du risque dépendance n’est pas prévue avant longtemps, au contraire même (aujourd’hui, 17% des personnes âgées de 70 ans et plus sont dépendantes ; 2 personnes sur 10 décèdent en situation de dépendance lourde).

Alors qui doit prendre la main ?

Si l’Etat doit initier le changement, il ne pourra pas seul prendre en charge cet enjeu ; il importe qu’il mobilise également le secteur de l’assurance, mais aussi les citoyens.

L’Etat pourrait enfin décider de créer un 5e risque de la sécurité sociale ; cela aurait pour conséquence de pouvoir flécher les financements et, surtout, d’obliger les Français à participer à ce mécanisme d’assurance. Mais cette nouvelle assurance obligatoire et solidaire ne sera certainement pas suffisante pour couvrir le risque dépendance dans sa totalité (une personne dépendante sur 2 n’est pas éligible à l’APA selon une récente étude de l’INSEE). Les sociétés d’assurances, qui aujourd’hui ont du mal à vendre leurs produits tant les citoyens sont persuadés que les pouvoirs publics vont s’emparer du sujet, devraient être amenées à proposer une couverture complémentaire de ce socle publique ; au regard de la nature du risque (important décalage temporel entre la souscription initiale et la survenue du risque, prédiction de la survenue du risque encore très difficile) l’assurance privée devrait même être obligatoire et réassurée. Un 3ème levier de financement additionnel devrait également pouvoir être mobilisé, celui des patrimoines (aujourd’hui valorisés à plus de 5 milliards €) d’autant plus que les besoins de financement de l’économie sont très élevés.

En attendant de tous mourir en bonne santé

Même si la biologie du vieillissement (qui vise à permettre aux personnes âgées de rester en bonne santé en combattant voire supprimant les maladies liées aux vieillissement) est une discipline en plein développement, il faudra attendre encore quelques décennies avant que ses applications bénéficient à tout le monde en routine.

D’ici là, la prévention, dès le plus jeune âge et pas seulement à compter du passage à la retraite, peut également constituer un moyen important pour changer les mentalités et adapter notre société en une société du vieillissement. Au-delà des actions de prévention primaire, d’autres leviers doivent être actionnés pour retarder l’âge d’entrée en dépendance : garder une activité et poursuivre l’acquisition de connaissances.

La loi tant de fois reportée et maintenant annoncée pour l’été prochain (du moins le projet de loi) sera-t-elle la loi qui était prévue originellement il y a 10 ans ou intègrera-t-elle tous ces éléments clés (le financement dans sa pluralité, un vrai plan de prévention, en plus de la revalorisation des métiers du grand âge notamment) ? Cela devient désormais indispensable afin de réussir à mettre en place un système juste et efficace.

Clément Laverdine et Olivier Milcamps

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