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L’élection présidentielle confronte différentes conceptions de l’organisation des transports. Après lecture des flyers présentés par les équipes des principaux candidats, nous exposons ici leur vision sur le transport. Avant de rentrer plus en détail dans les propositions des candidats, notons que la quantité de propositions associées à la thématique des transports est fort variable suivant les candidats.

 Pour certains (Benoît Hamon et Marine Le Pen), leurs propositions de gouvernance  y apparaissent réduites, sans guère plus d’explications ni de contexte. Sans doute celles-ci sont-elles plus détaillées dans leurs livres de programme respectifs. Pour le cas de la candidate du Front National, les propositions consacrées au transport sont dans les dernières de son programme de promesses (propositions 138, 139 et 144 sur 144), sans beaucoup plus de précisions (que nous détaillerons ci-après).

Chez François Fillon et Emmanuel Macron, les propositions associées aux thématiques transport et mobilité sont détaillées dans une page dédiée de leur site internet, avec des longueurs à nouveau plutôt variables : Emmanuel Macron détaillant le contexte de ses propositions sur plusieurs pages, tandis que le site de campagne de l’ancien premier ministre égrène les propositions sous forme de bullet points concis.

L’argumentaire le plus fourni est produit  par l’équipe de Jean-Luc Mélenchon développé dans un document d’une vingtaine de pages, où sont présents à la fois contextualisations et des propositions détaillées des politiques de transport.

La politique des transports de Marine Le Pen : Une continuation (floue ?) du service public

Comme nous l’avons d’ores-et-déjà écrit, les propositions de la candidate du Front National pour le domaine des transports sont particulièrement succinctes. On trouve ainsi une mise en valeur et une égalité d’accès à l’ensemble des services publics (pour les transports entre autres, mais sans plus de précisions, proposition 138).

La continuation du service public*, dont les conditions ne sont pas plus précisées, implique également la nationalisation des autoroutes (privatisées en 2006 suite à la décision de Dominique de Villepin) (Prop. 144), la défense du statut d’entreprise publique de la SNCF (prop. 138) ainsi que le « refus » de « la libéralisation du rail voulue par l’Union Européenne ».

Les politiques de logement, d’aménagement du territoire, et des transports seraient décidées par un seul et unique ministère, en concentrant donc l’ensemble de ces responsabilités sur un seul portefeuille, qui se chargera par ailleurs de « rééquilibrer les politiques de la ville vers les zones désertifiées et rurales » (sans plus de précisions) (prop. 139).

Contrairement à la plupart des autres candidats, la politique des transports frontiste n’est jamais associée à l’écologie au sein des quelques lignes qui lui sont consacrées. Il n’y a par ailleurs (contrairement à l’ensemble des autres programmes) aucune notion d’extension ou de développement du maillage de réseau ferroviaire en France. Les thématiques développées sont donc très proches de celles de Jean-Luc Mélenchon. Cependant, les propositions de ce dernier sont cependant beaucoup plus détaillées, et consacrent une grande part à l’écologie.

 Le transport en France selon Hamon : vers un resserrage du maillage ferroviaire ?

Parmi les autres candidats ayant rédigé seulement quelques courtes lignes sur le domaine des transports, Benoît Hamon propose une politique écologique de développement des réseaux ferroviaires. Ainsi, on trouve parmi ses propositions une consolidation du maillage (sans plus de précisions), une valorisation du transport de marchandises par le fret, ainsi qu’une augmentation de l’investissement pour le rail et des transports dits « propres », (sans chiffrage).

 On trouve par ailleurs une proposition plus proche des thématiques anti-libérales : l’opposition au 4ème paquet ferroviaire de libéralisation du rail (similaire à l’opposition de Mme Le Pen « à la libéralisation du rail » , mais plus précise en termes institutionnels), sans plus de précisions à ce sujet, ainsi que la sauvegarde de « l’ensemble des arrêts sur les lignes d’équilibre du territoire ».

Si on peut considérer que le programme est sans doute plus précis que celui de Mme Le Pen sur le sujet, en comportant par ailleurs quelques idées sur l’écologie ( thématique forte de la campagne de Benoît Hamon), l’absence de développement ou de contextualisation nuit à la compréhension des choix du programme du candidat. En comparaison des programmes de Macron et de Mélenchon par exemple, l’absence de véritables « mesures fortes » sur le sujet ne risque pas de donner de la consistance au projet décrit. Ce manque d’attention sur le sujet est d’autant plus préjudiciable qu’un fort accent est mis sur les thématiques écologiques et énergétiques, qui ne sont pourtant pas associées avec celles du domaine de la mobilité.

François Fillon, ou un projet de développement des transports à contre-courant de la droite ?

Le projet de François Fillon est quant à lui beaucoup plus « surprenant » compte tenu de ses positions favorables à la mise en place d’une rigueur budgétaire soutenue et d’un libéralisme économique conséquent. En effet, le candidat propose une remise à niveau des transports et une amélioration de la desserte dans les zones rurales (en phase avec l’amélioration du maillage ferroviaire prônée par l’ensemble des candidats, à l’exception de Marine Le Pen) par des investissements publics. Cet investissement est par ailleurs associé à la préservation des « versements transports » comme source de financement.

Le programme de François Fillon sur les transports comporte également une part non négligeable de thématiques écologiques : valorisation du fret pour le transport des marchandises et développement des voitures électriques et autonomes (sans plus de détails donnés à ces sujets). Le programme du candidat ne spécifie cependant pas les moyens pour le « développement des voitures autonomes et électriques » (Investissement public ? Crédit d’impôt accru pour les entreprises innovantes dans le cadre du CIR ?)

Le choix de valoriser le maillage ferroviaire est cependant cohérent avec l’électorat filloniste rural, habitant dans les zones périphériques où la desserte ferroviaire n’est pas suffisante, et les choix d’économie du développement « high tech » correspondent aussi à la continuation de l’image d’un candidat ayant un grand attrait pour les technologies. Cependant, là encore, nous constatons que cette partie du programme n’est ni chiffrée ni détaillée, et qu’elle apparaît d’autant plus contradictoire qu’elle rentre en conflit avec le souhait de « désengagement de l’Etat » prônée par le candidat.

 Emmanuel Macron, ou la promotion de la multimodalité ?

Le programme du candidat d’ « En Marche ! » est de tous les candidats l’un des plus fournis et les plus originaux, en termes de proposition comme de pédagogie. Le candidat souhaite ainsi promouvoir « la modernité », « la justice » et « l’environnement ». Pour cela, il propose l’augmentation du nombre d’infrastructures (parkings relais, gares etc.) afin d’augmenter l’intermodalité entre deux destinations, quelles qu’elles soient, et donc d’offrir des alternatives à l’utilisation de la voiture. Cette démarche s’inscrit également dans le développement d’aides à la mobilité, permettant « le retour d’emplois » en « diminuant les coûts de transports ». Cela sera effectué par le biais de « plan d’urgence d’investissement » dans la rénovation des rails et des routes. Notons par ailleurs qu’à l’instar des autres candidats, Emmanuel Macron propose de valoriser le fret.

A cette conception de l’intermodalité s’ajoute également la valorisation des moyens de transports alternatifs ou écologiques, en intégrant des voies dédiées aux VTC, bus et covoiturages, ainsi que des tarifs de péages adaptés à ces derniers. Il s’agit d’une originalité du programme de Macron par rapport aux autres candidats : proposer un nouvel aménagement du territoire et des infrastructures de transport (bien que cette proposition ne soit pas chiffrée). Notons enfin que le candidat souhaite améliorer la digitalisation des moyens de transports (trains, métro, autoroutes) afin d’accroître le débit et la fiabilité.

La dernière partie du programme du candidat s’appuie sur des thématiques écologiques : conversion du parc automobile français à l’aide d’une prime à l’échange d’achat de voitures plus écologiques, mise en place d’une fiscalité diesel plus soutenue et instauration de normes anti-pollution à l’échelle européenne.

Le programme du candidat d’En marche est donc particulièrement travaillé par rapport aux programmes des autres candidats, puisqu’il tente d’allier à la fois d’allier à la fois thématiques écologiques, innovation digitale, amélioration et réorganisation des infrastructures autour de la « smart city ». Un programme s’affichant donc comme étant résolument social-libéral sur la thématique des transports.

Jean-Luc Mélenchon, ou le keynésianisme appliqué aux transports

Si le programme de Mélenchon est particulièrement détaillé sur les thématiques transport (un livret d’une vingtaine de pages), c’est parce qu’il s’inscrit notamment dans une logique keynésienne[1] de relance par la dépense publique (financé par un prêt de 100 milliards d’euros auprès de la Banque Centrale Européenne), qui tend à être un contrepied idéologique à la théorie économique libérale et à l’austérité. Le programme de la « France Insoumise » table en effet sur un important investissement public destiné à relancer l’économie, rénover les infrastructures, mais également lancer une transition écologique. Dans ce cadre, il semble logique que le livret de 20 pages consacré aux transports fasse donc la part belle à l’investissement public.

L’une des premières parties de ce programme consiste donc en la rénovation du système de transports en France, ainsi qu’une « reconquête » du service public sur les privatisations. On trouve ainsi, comme dans de nombreux autres programmes présidentiels, une rénovation du système ferroviaire, une valorisation du fret ainsi qu’un resserrage du maillage ferroviaire. Cette rénovation du système ferroviaire s’accompagnera par une conquête des services publics, où le candidat propose une nationalisation des autoroutes, un développement de services publics d’autocars en zone rurale, une gratuité des transports collectifs urbains et une augmentation du transport fluvial.

Au-delà de ces propositions de reconquête de l’Etat, le programme du candidat comporte un très grand nombre de mesures écologiques dans le domaine des transports. On trouvera ainsi un investissement public important dans les transports non pétroles (sans précision supplémentaire). Cet investissement s’accompagnera par ailleurs de désincitation à employer les moyens de transport pétrole : le poids de la taxe carbone sera accru, et une taxation kilométrique aux frontières sera mise en place pour les gros transporteurs. L’objectif du candidat est in fine la réduction de la part automobile dans les transports employés par les Français, mais également dans les modes de transport des marchandises.

A l’instar du candidat Emmanuel Macron, le candidat de la France Insoumise propose un nouveau mode d’organisation des infrastructures (et surtout logistiques) : Le programme mentionne ainsi une rupture de la chaîne logistique classique des transports de marchandise, en proposant par exemple un système de dernier kilomètre non polluant. Si cette dernière proposition peut sembler audacieuse (et peut être irréalisable ?) le candidat espère – en filigrane –   que ces propositions susciteront une forte participation de la société civile, Des différents programmes des candidats « majeurs » sur les transports, nous pouvons donc voir que certains sont très peu détaillés (Hamon, Fillon, Le Pen), voire parfois plutôt antagonistes avec les autres mesures des programmes des candidats. Pour les deux autres candidats Macron et Mélenchon, en revanche, les mesures sont particulièrement détaillées, mais dans le même temps, antagonistes sur le plan idéologique. Face au social-libéralisme de Macron et au développement du digital et de l’ubérisation se trouve le programme social-démocrate keynésien de Mélenchon, avec de nombreux investissements publics et une forte part d’écologie. Si les premiers candidats ne permettent pas de développer une approche ou une vision très novatrice de ces thématiques, on retrouvera donc pour les deux derniers candidats des approches de développement très différentes, y compris sur les thématiques écologiques (d’un côté, proposition d’un droit dit « flou » et taxation, de l’autre, très forte taxation et investissement public).

A quelques jours du scrutin, si la thématique des transports n’a pas été au cœur des programmes, certains candidats majeurs formulent des propositions d’une richesse étonnante, au point de proposer concrètement des organisations logistiques de la société radicalement différentes.

Antoine Martin

Photo Antoine Martin

 

 

 

 

 

[1] Relance keynésienne : Considérer l’interventionnisme de l’Etat comme principal vecteur de croissance

Bibliographie :

Macron : https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme/mobilite

Hamon : https://www.benoithamon2017.fr/wp-content/uploads/2017/03/projet-web1.pdf (page 25)

Fillon : https://www.fillon2017.fr/wp-content/uploads/2017/03/projet_environnement_energie_transport.pdf

Le Pen : https://www.marine2017.fr/programme/ (propositions 138, 139 et 144) sur 144.

Mélenchon : https://avenirencommun.fr/le-livret-transports/

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