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Le Besoin, la Technologie, le Rationnel Economique

Le 6 juin dernier, au cours d’une matinée, consacrée à la téléconsultation et organisée par le Cercle Lab et PMP, nous réunissions six opérateurs présents sur ce marché pour s’interroger sur le nouveau cadre réglementaire, le rôle des plateformes privées et le modèle économique du développement de cette opportunité pour notre système de santé offerte par les nouvelles technologies.

« Téléconsultation… Après l’engouement, quel bilan, quelle utilisation effective ? »

Trois représentants de compagnies d’assistance et trois opérateurs ayant développé une activité autour de cette nouvelle opportunité de marché nous ont présenté leurs offres, leur vision de la nouvelle donne « réglementaire », et leurs convictions pour ancrer demain la pratique de la téléconsultation dans les usages autour d’un modèle économique pérenne.

  • Anne-Claire Hay, Mondial Assistance, Head of Health & Lifecare Market
  • Guillaume Lesdos, Medaviz, Président
  • François Lescure, Médecin Direct, Président
  • Jean Kramarz, AXA Assistance, Directeur santé
  • Eric Vilon, Bien-Etre Assistance, Directeur Général
  • Marie-Laure Saillard, MesDocteurs, Directeur des opérations et du développement
  • Une pratique historique, la téléconsultation au quotidien ou la prose de Monsieur Jourdain

Avant d’être une opportunité qui pourrait trouver un développement et une sécurisation dans le cadre de la nouvelle donne technologique, la téléconsultation, c’était vous et moi avec notre médecin préféré qui avions imaginé des organisations pragmatiques pour mieux servir les patients et optimiser le temps utile du médecin. Le pédiatre qui ouvre des créneaux fixes dans son agenda pour recevoir les appels des patients hors visite et répondre aux angoisses des parents sans nécessiter une visite grâce à une connaissance parfaite du jeune patient stockée … dans des fiches Bristol… et dans la tête du spécialiste. L’ORL très réputé que l’on s’arrache, qui vous voit une fois une heure pour faire le diagnostic, vous expliquer, et vous dire « je ne vous revoie plus avant un an sauf urgence, on communique et on adapte le traitement par email … ce sera 100e » … et finalement « pas cher payé » pour être suivi pendant un an !

Une définition pour rattraper les opportunités offertes par les nouvelles technologies et une offre qui se structure

La loi du 13 août 2004 portant réforme de l’Assurance maladie, la loi HPST du 21/7/2009 et le décret du 19/10/2010 relatif à la télémédecine fixent le cadre de la téléconsultation, avec une définition, l’ouverture à l’expérimentation, un financement qui ne passe pas par l’individu et des autorisations à obtenir d’une ARS.

La téléconsultation est un « acte de consultation réalisé à distance qui a pour objet de permettre à un patient de consulter un professionnel médical au moyen d’un dispositif utilisant les technologies de l’information et de la communication ».

Dans ce premier cadre qui ouvre la voie au développement « officiel » de cette pratique et dans l’attente de règles du jeu plus pérennes concernant le financement de cette pratique, les acteurs historiques du téléconseil ont conçu des solutions, sont allés chercher des agréments auprès des ARS et on cherché à solvabiliser leur offre soit en BtoC soit en BtoBtoC ; le second modèle ayant rapidement pris le pas sur le premier en raison de la faible appétence du patient ou du consommateur français pour le paiement d’un acte de santé et d’une difficulté à financer la communication nécessaire à la réussite d’un modèle en BtoC. En termes d’offres, les différences essentielles se situent sur l’organisation de la prise en charge de la demande patient (première / seconde ligne), la nature des professionnels de santé (infirmiers, médecins généralistes, médecins spécialistes, autres spécialités paramédicales), le statut des professionnels par rapport à la structure (salariés / vacataires …), les médias utilisés (téléphone, visio, chat, e-mail …), les horaires d’ouverture, le positionnement de l’offre (second avis, préparation d’une consultation, première ligne pour qualifier et rassurer, prévention, accompagnement pathologie chronique … ), les outils utilisés et la plus ou moins grande « standardisation de la practice » (recours à des outils d’aide au diagnostic, promotion des meilleures pratiques).

Il est intéressant de constater que l’histoire de la structure « opérateur » de téléconsultation a un impact fort sur l’orientation de l’offre. Ainsi le projet téléconsultation d’Axa Assistance a été construit en forte synergie avec l’assureur Axa, Mondial Assistance a travaillé la téléconsultation en capitalisant sur les actifs de l’assistance et avec une ambition internationale, Bien-Etre Assistance, filiale notamment de Europ Assistance et de Malakoff Mederic a traité la téléconsultation comme un des outils de la télémédecine et dans une dynamique d’accompagnement du parcours de soins de l’individu.

Les règles du jeu précisées : la téléconsultation intégrée au parcours de soins et l’impact sur les plateformes privées qui se sont développées depuis 2015

Dans le cadre de la Loi de Finance de la Sécurité Sociale 2018, la téléconsultation va rentrer dans le droit commun du remboursement par l’assurance-maladie, avec une tarification et des modalités de prise en charge par le régime obligatoire identiques à celle d’une visite en cabinet. Il s’agit de la mise en place d’un cadre légal pour la pratique historique du médecin en cabinet qui poursuit la prise en charge de son patient dans des modalités distantes.

Cette nouvelle donne, qui a le mérite de clairement affirmer que la téléconsultation n’est qu’une autre modalité d’exercice qui doit trouver sa place dans l’organisation générale du parcours de santé, pose la question de comment les plateformes privées qui ont développé une offre « à côté » du système de santé traditionnel (médecin traitant/ remboursement de la Sécurité Sociale) vont faire évoluer leur organisation et leur offre pour pouvoir s’inscrire dans ce cadre de financement. « Il y aura un avant et un après 15 septembre »

Elle pose aussi la question de savoir si malgré tout il n’y a pas une autre place pour la téléconsultation en complément de l’intervention du médecin traitant, des urgences, du Samu …

La conviction de l’existence d’un marché … et quand il va falloir démontrer que l’union fait la force

L’ensemble des acteurs présents dans la salle est convaincu que la téléconsultation représentera à moyen terme environ 10% des consultations réalisées en cabinet. Dans ce contexte, les quelques acteurs présents considèrent légitimement que plus que des concurrents, ils sont les précurseurs d’un nouveau marché qu’aucun d’entre eux n’aura la capacité d’adresser seul et qu’il convient donc d’unir leurs forces pour d’une part influer sur les orientations des pouvoirs publics en matière de réglementation et de financement, et d’autre part contribuer à faire en sorte que cette nouvelle pratique rentre dans les usages des français.

Les assureurs, de la conviction stratégique au « must have »

En 2015, AXA Assistance était le premier assisteur à lancer la téléconsultation et Médecin direct obtenait également un agrément pour intervenir sur ce marché.

Depuis les agréments se sont multipliés, et aujourd’hui la quasi-totalité du top 15 de l’assurance santé complémentaire a choisi et déployé une offre de téléconsultation en inclusion de leurs garanties d’assurances. Les heureux élus : Axa Assistance, Bien-Etre Assistance, Médecin direct, Mes docteurs, H4D.

Pourtant on peut ressentir des différences de visions et d’investissement, entre :

  • les assureurs qui considèrent qu’au-delà d’être des financeurs de soins et de santé ils sont également des acteurs du système de santé,
  • les assureurs qui considèrent les services, et notamment les services de santé, comme un relais de croissance pour leur développement,
  • les assureurs qui ont déployé la téléconsultation comme un des nombreux services permettant d’avoir une offre au niveau du marché, dans une démarche de différenciation, et avec une préoccupation principalement marketing.

Les différences entre ces différentes postures se mesureront à l’aune du taux d’usage de la téléconsultation.

La question qu’il ne faudrait pas oublier : comment susciter l’usage de la téléconsultation ?

Aujourd’hui, 2% des français déclarent avoir utilisé la téléconsultation et 50% déclarent être prêts à y avoir recours. Entre ces deux chiffres, un formidable défi à relever, l’usage et pour y parvenir trois principaux outils : la communication, la performance et la pertinence du service, son accessibilité et le financement de son coût.

Depuis 2015, et l’intégration des premières solutions dans les contrats complémentaires santé, les acteurs ont développé leur savoir, ont affiné leurs solutions, ont amélioré leur offre, ont appris sur les usages, mais très vite le déploiement et la courbe d’apprentissage va se heurter à la question du financement.

En effet, la plupart de ces inclusions ont été négociées à des tarifs très bas par personnes protégées jouant d’une part sur une appétence non encore avérée, et sur une faible communication.

Ainsi, soit le service n’est pas bon et/ou les assureurs ne font que semblant de le pousser, et la téléconsultation dans les contrats d’assurance va connaître le même sort que les garanties historiques de téléconseil, soit le service est bon et connu et la dizaine de centimes d’€ négociée avec les sociétés opérant la téléconsultation vont voler en éclat.

La question à laquelle il faudra répondre : qui paie et pourquoi ?

Les dépenses publiques sont contraintes et l’équilibre économique des assureurs sous surveillance (SII).

Les patients / consommateurs / assurés français ont pris l’habitude de « consommer » la santé dans le cadre d’un financement indirect perçu comme très lourd et induisant qu’il serait impensable pour la plupart d’entre eux de payer pour sa santé au-delà de ces prélèvements et impôts divers.

Pourtant, en première intention la téléconsultation est surtout un coût supplémentaire dont on ne peut espérer à court terme qu’il induise des baisses de dépenses pour le payeur public ou privé ; sauf à démontrer dans le cadre d’une analyse médico / socio / économique qu’il y a une équation économique positive au terme du déploiement de la téléconsultation et notamment :

  • économies de coûts de transport,
  • moindre consommation de médicament,
  • baisse des arrêts de travail,
  • prévention (primaire / secondaire / tertiaire) ,
  • meilleure orientation dans le système de soins,
  • évitement de consultations physiques,

Il semble donc que l’équation économique globale ne peut devenir raisonnable que quand on inscrit la téléconsultation comme un outil au service de la performance globale du système de santé et au cœur du parcours santé.

Dans tous les cas, il conviendra d’essayer d’optimiser le modèle opérationnel de la téléconsultation pour diminuer son coût.

Cette question est sans doute la plus urgente à instruire et on pourrait imaginer que les opérateurs de téléconsultation auraient tout à gagner à tenter de contribuer ensemble à trouver des réponses.

« Démontrons ensemble que notre téléconsultation a une vraie valeur et mérite un remboursement !».

 

Marie-Sophie Houis-Valletoux,

Associée PMP, en charge de l’assurance, de la banque et de la santé

MSHouis

 

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