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La mobilité urbaine constitue un réservoir d’opportunités inépuisable pour les fournisseurs de service de mobilité, opérateurs et entreprises numériques. L’engouement rencontré par ces nouveaux services, le plus souvent de mobilité partagée, peut s’expliquer par un ensemble de facteurs : un parcours client fluide, une excellente qualité de service, une tarification compétitive au regard de l’offre de transport existante (transports en commun, taxis…), des politiques publiques cherchant à réduire l’autosolisme, un basculement de la propriété vers l’usage chez les citadins…Les chiffres tendent toutefois à relativiser la part modale occupée par ces nouveaux modesdans les déplacements quotidiens : à l’échelle de l’Ile-de-France, sur 42 millions de déplacements journaliers, 15 millions sont réalisés à pied, 15 millions en voiture, 10 millions en transport en commun et 2 millions pour le reste : vélo, scooter, trottinette…

Aujourd’hui, ces nouveaux services de mobilité partagée se heurtent à plusieurs difficultés dans le cadre de leur déploiement.

Des difficultés associées au modèle économique d’abord. En tant qu’opérateurs, ces acteurs se positionnent principalement sur un modèle de vente de services de mobilité : les revenus générés doivent couvrir a minima les coûts d’exploitation du service. Cependant :

  • L’intensité concurrentielle est forte, notamment chez les acteurs financés par du capital risque : la logique « winner takes all » incite à une croissance à tout prix pour garantir à la fois une massification de l’offre et une croissance de la base utilisateurs.
  • La tarification des services doit rester attractive pour les usages en concurrence avec une offre de transport en commun subventionnée (c’est particulièrement le cas en France), et limite donc les marges de manœuvre.
  • Les coûts d’exploitation peuvent se multiplier pour certains services, par exemple pour les scooters et les trottinettes : coûts liés à la collecte et à la recharge des batteries, coûts liés au vandalisme…
  • Enfin, la part modale de ces nouveaux modes reste encore embryonnaire dans les déplacements du quotidien, malgré une profondeur de marché en forte croissante.

Des difficultés associées au modèle de déploiement ensuite. Ces nouveaux services de mobilité urbaine sont exposés aux décisions des autorités organisatrices et d’aléas réglementaires, chaque ville ou collectivité abordant de manière différente l’encadrement de ces nouveaux services.

  • Le manque d’expérience en matière de dialogue avec les autorités organisatrices pousse ces nouveaux acteurs à se développer dans certains cas de manière anarchique (exemple du précédent de Lime et Bird à San Francisco). Les collectivités vont donc mettre en place un ensemble de chartes et règles pour encadrer les usages et le déploiement de ces nouveaux services, notamment pour les services en free-floating, qui questionnent l’utilisation de l’espace public.
  • La question de la sécurité, en particulier pour la trottinette, est de plus en plus prégnante, et de nouvelles contraintes d’utilisation pourraient voir le jour, rendant l’usage du service moins fluide, moins accessible et donc moins attractif (les accidents impliquant une trottinette électrique auraient fait plus de 1 500 blessés aux États-Unis, depuis la fin de l’année 2017).

L’activité de ces opérateurs repose donc sur un modèle économique encore fragile et reste exposée à un certain nombre d’aléas réglementaires qui pourraient entraver leurs objectifs de croissance. Mais quelles stratégies mettre en œuvre pour permettre une intégration plus harmonieuse de ces nouveaux services dans le paysage de la mobilité urbaine, tout en offrant un modèle économique plus robuste ?

Le premier axe consiste à renforcer les relations entre ces nouveaux fournisseurs de services de mobilité et les pouvoirs publics, permettant de développer une plus grande intégration économique et réglementaire. Selon les acteurs et la nature des offres de mobilités déployées, il pourrait par exemple s’agir :

  • De mieux valoriser les externalités positives de leurs offres vis-à-vis des autorités organisatrices. En contribuant à la réduction de la congestion, de la pollution (pour les mobilités douces et les solutions de micro mobilité), de l’autosolisme (co-voiturage / autopartage), ces nouveaux services pourraient être des candidats légitimes à l’obtention de subventions / financements publics, car contributeurs aux objectifs assignés par les pouvoirs publics en faveur d’une mobilité accessible, décarbonée, partagée et respectueuse de l’espace public (exemple récent de l’initiative d’Ile-de-France Mobilités en faveur du covoiturage)
  • De mieux se coordonner et se concerter avec les pouvoirs publics pour organiser le lancement et l’exploitation des services impliquant un usage de l’espace public. C’est en particulier vrai en milieu urbain, ou la rareté du foncier doit questionner sur son allocation et les services rendus par son immobilisation.

Le deuxième axe consiste à mettre en place des partenariats ou participer au financement d’offres nouvelles, permettant d’exploiter des complémentarités commerciales ou stratégiques 

  • Des partenariats stratégiques ou co-entreprises peuvent permettre de consolider une position dominante sur certains services et/ou géographies. On peut citer l’exemple de BMW-Daimler qui a récemment investi 1 Md€ dans une joint-venture afin de consolider une taille critique sur l’offre d’autopartage. Ce rapprochement doit permettre sous la marque Sharenow de regrouper les activités de Car2go et DriveNow et offrir aux clients un accès à de nouvelles zones et un plus large choix de véhicules. Il doit aussi favoriser la vente et/ou l’acquisition croisée de clients entre les différentes entités de la jointe venture : les utilisateurs de Reachnow (appli MaaS) sont ainsi des clients potentiels de Sharenow, dont l’offre sera mise en visibilité dans l’application Reachnow.
  • Des tours de financement de nouvelles offres de mobilité peuvent permettre à certains acteurs historiques d’intégrer celles-ci directement sur leur plateforme. C’est le cas d’Uber, qui a co-investi avec Google Venture dans Lime et qui met en visibilité dans son application l’offre e-scooter de Lime aux Etats Unis.

Les solutions développées par ces opérateurs de mobilité s’inscrivent dans le champ de la mobilité librement organisée. Or devant les difficultés rencontrées pour parvenir à un modèle économique viable et des stratégies de déploiement qui restent fragiles car soumises aux aléas réglementaires, la question d’une plus grande intégration au champ de la mobilité organisée mérite d’être soulevée. Des partenariats avec les autorités organisatrices seraient en effet susceptibles d’améliorer les termes de l’équation d’un point de vue économique, tout en favorisant un déploiement plus harmonieux de ces nouveaux services au cœur des villes. A l’instar des nombreuses formes de partenariats initiés entre les services de VTC (Uber, Lyft) et certaines autorités organisatrices pour favoriser la multimodalité.

Jonathan Longo

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